|
L’histoire
du gaullisme a précédé
l’histoire des
gaullistes.
Si
très tôt, presque en même temps que se
développait
l’aventure politique du gaullisme, des historiens, comme René
Rémond ou Jean
Charlot, en ont fait un objet
d’étude, les acteurs du
« phénomène
gaulliste » ont dû attendre longtemps
avant de connaître le même
intérêt
de la part des scientifiques. Bernard Lachaise
agit en initiateur au milieu des
années 1990, lorsque, avec son ouvrage sur Le
gaullisme dans le Sud-Ouest au temps du RPF, il
s’intéressa à ces acteurs
en Aquitaine. Le renouvellement de l’histoire politique
opéré, entre autres
facteurs, par la prosopographie a ainsi permis la
réalisation de travaux sur le
personnel gaulliste. Au même moment, et comme en
témoigne cette revue,
l’intérêt des historiens se portait
à nouveau sur le Parlement et les
parlementaires. C’est à la rencontre entre ces
deux mouvements intellectuels
que se situe ce numéro spécial
consacré aux gaullistes au Parlement.
Si les
recherches sur l’histoire du Parlement et de ses
membres furent longtemps délaissées, que dire de
l’étude des parlementaires et
des groupes parlementaires gaullistes ? Plus que
d’autres, ils connurent
le purgatoire scientifique. Il faut sans doute en trouver
l’explication dans
l’idée reçue selon laquelle les
élus gaullistes au Parlement furent des
serviteurs (trop ?) soumis à
l’exécutif, des
« godillots » selon
l’expression consacrée, sous les
présidences du général de Gaulle puis
de
Georges Pompidou. Qu’on en juge ! Dans
l’excellent Dictionnaire De Gaulle publié
en 2006 sous la direction de Claire
Andrieu, Philippe
Braud et Guillaume
Piketty, le lecteur trouvera une notice
« Godillots » –
qui nous apprend au demeurant que ce
qualificatif visait les militants plus largement que les
élus – mais aucune
entrée « parlementaires
gaullistes » !
Les
universitaires qui ont accepté de collaborer à ce
numéro spécial ont en commun de participer,
à titre divers, à ce nouvel élan de
la recherche en direction des gaullistes. Ils sont membres ou
associés de l’ANR
GAULHORE qui, sous la direction et à l’initiative
de Bernard
Lachaise, étudie
les gaullistes des années 1958 à 1978 sous les
deux angles des hommes et des
réseaux, dans le but de poursuivre la réalisation
d’un large corpus
biographique gaulliste.
Les articles
rassemblés ici traduisent ce travail commun
en même temps que les axes majeurs de cette recherche et
c’est la raison pour
laquelle la période des vingt premières
années de la Ve République
a été privilégiée. Ce
numéro commence donc par un historique des groupes
parlementaires gaullistes et une remise en perspective du
demi-siècle de leur
existence. L’apport de la prosopographie appliquée
à deux ensembles régionaux,
la Seine et Midi-Pyrénées, est
illustré par Philippe
Nivet et Éric
Chiaradia.
Bernard
Lachaise étudie les votes des parlementaires
gaullistes à l’occasion de
débats consacrés à ce qu’il
est convenu d’appeler des « lois de
sociétés ». David Valence
revient, lui, sur les « élections de 1967
pour démontrer que le phénomène des
« jeunes loups » traduit en fait
une évolution profonde du personnel politique gaulliste.
Enfin, en sources,
deux entretiens viennent éclairer les carrières
parlementaires des gaullistes
Alain
Terrenoire et Charles
Pasqua, tandis que plusieurs textes exposent les
convictions affirmées des groupes au Sénat et
à l’Assemblée nationale.
Au total,
l’ensemble de ces contributions atteste de
l’intérêt qu’il y a
à compléter l’historiographie du
gaullisme par des
recherches nouvelles consacrées aux acteurs, connus ou
secondaires, de cette
famille politique et combien il serait faux de ne voir dans ce
personnel
gaulliste qu’une troupe unanime obéissant
aveuglément à un parti ou à un chef.
|
|