> Introduction  David Bellamy
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L’histoire du gaullisme a précédé l’histoire des gaullistes.

Si très tôt, presque en même temps que se développait l’aventure politique du gaullisme, des historiens, comme René Rémond ou Jean Charlot, en ont fait un objet d’étude, les acteurs du « phénomène gaulliste » ont dû attendre longtemps avant de connaître le même intérêt de la part des scientifiques. Bernard Lachaise agit en initiateur au milieu des années 1990, lorsque, avec son ouvrage sur Le gaullisme dans le Sud-Ouest au temps du RPF, il s’intéressa à ces acteurs en Aquitaine. Le renouvellement de l’histoire politique opéré, entre autres facteurs, par la prosopographie a ainsi permis la réalisation de travaux sur le personnel gaulliste. Au même moment, et comme en témoigne cette revue, l’intérêt des historiens se portait à nouveau sur le Parlement et les parlementaires. C’est à la rencontre entre ces deux mouvements intellectuels que se situe ce numéro spécial consacré aux gaullistes au Parlement.

Si les recherches sur l’histoire du Parlement et de ses membres furent longtemps délaissées, que dire de l’étude des parlementaires et des groupes parlementaires gaullistes ? Plus que d’autres, ils connurent le purgatoire scientifique. Il faut sans doute en trouver l’explication dans l’idée reçue selon laquelle les élus gaullistes au Parlement furent des serviteurs (trop ?) soumis à l’exécutif, des « godillots » selon l’expression consacrée, sous les présidences du général de Gaulle puis de Georges Pompidou. Qu’on en juge ! Dans l’excellent Dictionnaire De Gaulle publié en 2006 sous la direction de Claire Andrieu, Philippe Braud et Guillaume Piketty, le lecteur trouvera une notice « Godillots » – qui nous apprend au demeurant que ce qualificatif visait les militants plus largement que les élus – mais aucune entrée « parlementaires gaullistes » !

Les universitaires qui ont accepté de collaborer à ce numéro spécial ont en commun de participer, à titre divers, à ce nouvel élan de la recherche en direction des gaullistes. Ils sont membres ou associés de l’ANR GAULHORE qui, sous la direction et à l’initiative de Bernard Lachaise, étudie les gaullistes des années 1958 à 1978 sous les deux angles des hommes et des réseaux, dans le but de poursuivre la réalisation d’un large corpus biographique gaulliste.

Les articles rassemblés ici traduisent ce travail commun en même temps que les axes majeurs de cette recherche et c’est la raison pour laquelle la période des vingt premières années de la Ve République a été privilégiée. Ce numéro commence donc par un historique des groupes parlementaires gaullistes et une remise en perspective du demi-siècle de leur existence. L’apport de la prosopographie appliquée à deux ensembles régionaux, la Seine et Midi-Pyrénées, est illustré par Philippe Nivet et Éric Chiaradia. Bernard Lachaise étudie les votes des parlementaires gaullistes à l’occasion de débats consacrés à ce qu’il est convenu d’appeler des « lois de sociétés ». David Valence revient, lui, sur les « élections de 1967 pour démontrer que le phénomène des « jeunes loups » traduit en fait une évolution profonde du personnel politique gaulliste. Enfin, en sources, deux entretiens viennent éclairer les carrières parlementaires des gaullistes Alain Terrenoire et Charles Pasqua, tandis que plusieurs textes exposent les convictions affirmées des groupes au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Au total, l’ensemble de ces contributions atteste de l’intérêt qu’il y a à compléter l’historiographie du gaullisme par des recherches nouvelles consacrées aux acteurs, connus ou secondaires, de cette famille politique et combien il serait faux de ne voir dans ce personnel gaulliste qu’une troupe unanime obéissant aveuglément à un parti ou à un chef.