> Éditorial  Jean Garrigues
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Le Second Empire, imprégné de sa légende noire, a eu longtemps mauvaise presse. « Avant même d’être candidat à la présidence, un républicain populaire par son talent, son énergie, ses mérites historiques et militaires, est d’autant plus désigné à la méfiance puritaine des siens qu’il reçoit plus d’acclamations du public », écrivait Maurice Agulhon, analysant ce réflexe anti-bonapartiste dans Comment meurt une République. Autour du 2 Décembre (Créaphis, 2004). « Il est piquant de voir à quel point le discours du nouvel hôte de l’Elysée rappelle celui de Louis-Napoléon à l’aube du second Empire », commentait, amusé, l’historien anglais Sudhir Hazareesingh, dans l’introduction de son ouvrage sur La Saint Napoléon. Quand le 14 juillet se fêtait le 15 août. (Tallandier, 2007)

Toutefois, comme le rappelle Éric Anceau dans l’article historiographique qui ouvre ce numéro spécial, il y a déjà plusieurs décennies que le Second Empire est devenu un objet d’histoire à part entière, débarrassé des a priori idéologiques et culturels qui ont longtemps déformé sa perception. C’est pourquoi nous avons souhaité participer à notre manière à la commémoration du bicentenaire de Napoléon III en réunissant des communications centrées sur les aspects politiques de l’histoire du Second Empire.

De fait, l’histoire politique des années 1850-1870 est ici traitée dans ses aspects les plus divers et les plus novateurs. L’article de Bernard Gaudillère sur la publicité des débats parlementaires et celui de Francis Choisel sur l’évolution constitutionnelle du régime démontrent à quel point les enseignements de l’histoire des institutions, trop souvent boudée par les chercheurs, peuvent être riches de sens pour comprendre les mutations du politique. Dans un registre très différent, l’article de Xavier Mauduit sur la Maison de l’Empereur et celui de Juliette Glikman consacré à la propagande impériale et au discours du bien public, s’inscrivent au confluent de l’histoire culturelle, de l’histoire sociale, de l’histoire des idées politiques et de celle des représentations. Plus classiques, mais non moins pionniers, sont les articles de Laurence Grégoire sur la franc-maçonnerie parisienne, lieu majeur des enjeux et du débat politique sous le Second Empire, d’Olivier Tort sur la famille légitimiste et de Renaud Quillet sur les républicains internationalistes. Ces trois chercheurs nous éclairent sur des aspects encore méconnus de la période, de même que Thierry Truel, dont l’article, précis et subtil, est consacré au spectre du coup d’État bonapartiste dans les débuts de la Troisième République.

On est bien loin des caricatures polémiques ou hagiographiques que l’historiographie du Second Empire nous a parfois infligées par le passé. Il est très réconfortant de voir à quel point des historiens, jeunes et chevronnés, parviennent ici à renouveler un objet d’études que l’on pouvait croire épuisé. Cap sur le tricentenaire… en espérant que Parlement(s) sera toujours là pour y apporter sa contribution.