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L’année
2008 a vu la fièvre commémorative envahir le
travail des historiens, et la revue Parlement(s)
n’a pas échappé à la
contagion. Mais nous avons tenté de combattre cette
maladie mémorielle par le seul
vaccin
vraiment efficace, celui de l’innovation scientifique.
C’est pourquoi, après
Mai 68, nous abordons le thème de la
« Grande Guerre » dans une
perspective originale, qui est celle de la vie parlementaire.
Sous la
direction de Fabienne Bock, dont chacun connaît
les travaux pionniers sur le « parlementarisme de
guerre », une
équipe de chercheurs français et
étrangers nous offre un dossier tout à fait
inédit sur les mécanismes, sur les
représentations et sur les grandes
thématiques de la délibération en
temps de crise, aussi bien en France qu’en
Allemagne, en Italie et dans l’Empire ottoman.
Dans une
approche fonctionnaliste, Nicolas Roussellier
(Sciences Po) souligne le contraste existant entre la
vitalité du nouveau
parlementarisme inventé en 1914 et la
représentation négative qui en a
été faite,
tandis que Carlotta Latini (Camerino) démonte la
mécanique d’un parlementarisme
italien sous contrôle gouvernemental.
Du
côté de l’histoire des débats
et des
représentations, Charles
Ridel (Evreux)
s’intéresse aux ambiguïtés du
« Parlement des
embusqués », à la fois
accusé et accusateur. Alexandre Niess (Orléans)
s’intéresse à la question des
« régions
libérées » pendant et
après la guerre. Associé à Vahakn Dadrian (Arlington), il montre comment l’idée du
génocide arménien s’est
imposée
dans la vie politique turque. Torsten Oppelland (Iéna)
décrit les débats du
Reichstag sur la guerre sous-marine, conduisant à
l’abdication fatale des
partis envers l’état-major. Enfin, Nicolas Patin
(Paris Ouest) nous montre
l’arrivée de la
« génération du
front » au Reichstag, dans
l’immédiat
après-guerre, et aux conséquences politiques et
idéologiques de ce tournant
parlementaire.
Trois
articles « varia »
complètent ce numéro de
Parlement(s). Les deux
premiers se
situent dans une approche biographique, Christophe Maillard (Paris
Ouest)
s’intéressant au cursus parlementaire de
« l’iconoclaste» Pierre
Biétry,
fondateur avant la Grande Guerre du syndicalisme jaune, tandis
qu’Anne-Laure
Anizan (Sciences Po) décrit la carrière de Paul
Painlevé, un savant en politique,
devenu dans l’entre-deux-guerres une figure de
référence de la nébuleuse
républicaine. Quant à l’article de
Pascal Marchand (Toulouse III), qui clôt ce
volume, il montre, en s’appuyant sur l’analyse
lexicale des déclarations de
politique générale sous la Ve
République, que les évolutions
récentes
confirment l’hypothèse d’une
présidentialisation.
Ce dossier
inédit sur la Grande Guerre, ainsi que les
trois « varia » qui
l’accompagnent, confirment, s’il en
était
besoin, la diversité et la richesse des approches possibles
sur le champ
d’histoire politique qui est le nôtre, autour de la
délibération.
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