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La mode
est au jeunisme. Il faut parler jeune, s’habiller jeune,
penser
jeune… et
rajeunir la politique. Conservateur du passé, vigie du long
terme, l’historien
regarde avec un peu d’amusement cette
énième
manifestation d’un phénomène
récurrent
et cyclique, qui reflète tout simplement le passage des
générations.
Faut-il
pour autant en nier l’importance ?
Faut-il oublier que la Grande Révolution de 1789 fut celle
des jeunes
« gens à talents »,
que la jeunesse des écoles fut en pointe lors des
révolutions parisiennes de 1830 et 1848, et que nos
fièvres hexagonales, de la
Commune de Paris à la révolte de Mai 68, ont bien
souvent reflété le malaise et
les illusions des nouvelles
générations ? Peut-on contester par
ailleurs
que la caste politique leur a été
particulièrement fermée dans notre vieille
démocratie républicaine et qu’il leur a
fallu, à toutes les époques, investir
par la force l’espace du politique et plus encore le champ
clos de la vie
politique ?
Tout
cela appelle réflexions et recherches, notamment sur les
formes et les
motivations de l’engagement, mais aussi sur le rôle
spécifique des jeunes dans
l’espace politique, sur leur capacité de
reproduction ou de renouvellement des
valeurs, des enjeux et des structures, ou encore sur
l’attitude des aînés face
à la jeunesse. Des historiens, tels Jean-Claude Caron
pour le XIXe
siècle ou Gilles
Le Béguec pour le XXe,
ont porté depuis longtemps
leur attention sur ces questions. Des politistes, tels Pascal Perrineau
ou Anne
Muxel, les ont beaucoup étudiées.
Pour ce
numéro spécial de Parlement(s),
nous avons choisi d’en souligner la
récurrence, depuis les droites de la Restauration (Olivier Tort)
jusqu’à la
période actuelle, en interviewant Clémentine
Autain et François
Baroin, deux
incarnations emblématiques de la jeunesse en politique. Mais
nous avons aussi
souhaité mettre l’accent sur les
périodes de crise, l’affaire Dreyfus (Marie
Aynié), la guerre
d’Algérie (Ludivine Bantigny)
ou de refondation à gauche
(Fabien Conord
et Frédéric
Fogacci) comme à droite (François
Audigier),
périodes particulièrement propices à
l’expression spécifique de la jeunesse.
Enfin, il nous a paru indispensable de compléter ces
réflexions
franco-françaises par un regard sur
l’étranger, celui de l’Italie (Giovanni Orsina).
Ce ne
sont bien sûr que des sillons épars dans un champ
d’études immense à
défricher.
Mais ils nous fournissent des réponses stimulantes, parfois
inattendues
(Olivier Tort),
aux interrogations majeures suscitées par une aussi vaste
thématique. Nul doute que d’autres les reprendront
au vol.
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