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collection Cliopolis

Vin et République

sous la direction de Philippe Lacombrade et Fabien Nicolas

   
actes du colloque des 18-19 octobre 2007, Montpellier
Paris, Editions Pepper-L'Harmattan, janvier 2010, 310 p.

versions papier (28 €) et numérique (22,1 €), vente au chapitre (4€)
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présentation - introduction - sommairerecensions et comptes-rendus de lecture
   
    
Les actes du colloque "Vin et République" proposent, au moment du centenaire de la Révolution des dimanches en Languedoc (1907), de revenir sur le rapport complexe entre questions viticoles et régime républicain. Cette rencontre, organisée sous l'égide du CHPP, en partenariat avec le CEPEL (Montpellier I), et le centre Croyances et Mentalités contemporaines (Montpellier III), a pour originalité de ne s'inscrire ni dans la commémoration héroïque, ni même dans la geste vigneronne et de privilégier une approche pluridisciplinaire et comparative.
L'objectif consistait en effet à concilier une analyse de la mobilisation du Midi rouge, de sa réalité mais aussi des représentations auxquelles elle a donné lieu, et une interrogation sur sa spécificité, sa postérité et son exemplarité à l'échelle du siècle et de la nation. Le plan de l'ouvrage et les thématiques qui y sont abordées témoignent de cette préoccupation.
Les articles de la première partie, "Echos et manifestations des révoltes viticoles", rendent compte de la manière dont la révolte a été perçue et souvent instrumentalisée dans la presse, les espaces professionnels et politiques. Si la crise de la viti-viniculture renvoie d'abord à des problématiques économiques et sociales, la deuxième partie, "Les questions viticoles et l'action politique : enjeu national et contraintes locales", fait état de la mobilisation des milieux politiques à travers l'évocation du parcours et de l'action d'un certain nombre de "députés du vin", languedociens ou non. Les articles rassemblés dans la troisième partie, "Vin, République et construction des identités territoriales", interrogent les relations qui se sont progressivement nouées entre le vin et les territoires dans une perspective multiscalaire.

présentation de l'ouvrage par Philippe Lacombrade à l'initiative de la chaire UNESCO "Culture et traditions du vin" et de la MSH de Dijon le 27 janvier 2010. Voir la vidéo de son intervention.
   
   
introduction de Geneviève Gavignaud-Fontaine, Professeur à l'Université Montpellier III
  Philippe Lacombrade et Fabien Nicolas ont vaillamment œuvré depuis de longs mois pour rassembler historiens et politistes dans une efficace pluridisciplinarité, et pour que ces deux journées puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles. M. Le Président du Conseil Régional Languedoc-Roussillon, M. le Président du Conseil Général du département de l’Hérault, ainsi que l’ensemble des Conseillers, qui nous reçoivent aujourd’hui et demain en leurs Hôtels respectifs, ont réservé un accueil favorable à nos projets: qu’ils trouvent ici la gratitude de tous les participants à ce Colloque, collègues venus d’une dizaine d’universités françaises, chercheurs prompts à communiquer les résultats de leurs investigations, auditeurs ici rassemblés pour débattre d’un siècle de viticulture française.

 
  Nous sommes à l’automne d’une année riche en rencontres centrées sur le souvenir de « ceux de 1907 » comme se désignaient eux-mêmes les vignerons languedociens. Lorsque l’histoire se trouve ainsi placée sous les feux médiatiques, elle bénéficie incontestablement de fructueux apports tout en courant le risque de laisser plus que jamais s’entremêler bons grains et ivraie. Il appartient d’ores et déjà à la nouvelle génération de faire le bilan historiographique des diverses problématiques exposées lors de ce premier Centenaire.
  Pour l’heure, le Colloque qui s’ouvre confirme la forte empathie des universitaires avec la trilogie « vignes, vignerons, vins » déjà si amplement dotée de publications de référence; à tel point, qu’il serait impossible de les citer tous dans les minutes qui me sont imparties !
  Grâce aux auteurs réunis aujourd’hui, l’analyse se dote d’une dimension nationale: le Bordelais et le Médoc, la Bourgogne, la Champagne prennent place sur l’échiquier hexagonal du vingtième siècle. Le rôle des organisations et partis politiques, de la presse, des députés (Georges Cazeaux-Cazalet, Pierre Leroy Beaulieu, Edouard Barthe…) est mis en avant ; la force de la Commission des Boissons du Palais Bourbon, l’importance des lois et règlements (loi du 29 juin 1907, Statut de la Viticulture dans les années 1930…), l’action des chambres de Commerce et des caves coopératives…
  Autant d’acteurs économiques et sociaux profilés autour d’une problématique que nous n’étreindrons pas complètement en deux jours. Car, par-delà son apparente simplicité, le tandem « Vin et République » se décline en Vignerons et République, République et Vin; dans le premier cas, il s’agit de distinguer les attentes des vignerons et les réponses législatives, les conduites de refus et de combat; dans le second, transparaît l’intérêt –ou le désintérêt- que représente pour l’Etat l’incontestable richesse économique véhiculée par le vin lorsque celui-ci troque sa symbolique religieuse ou culturelle contre sa seule valeur marchande. Nul n’ignore l’abondance des rentrées fiscales opérées par la perception des droits napoléoniens sur le vin, ni l’ardeur mise par les plus hautes instances politiques à développer la culture de la vigne en Algérie dans les premières décennies de la Troisième république.
  La simplification des droits de circulation sur le vin, opérée en 1900, a donné satisfaction aux vignerons; par ailleurs, ceux-ci sont encore peu enclins à montrer du doigt les cargaisons de vin maghrébin venu se déverser entre Rhône et Pyrénées. Les Roussillonnais apprécient sans modération les effets des lois Arago et Pams qui, en 1872 et 1898, leur ont permis de transformer en source d’« or rouge » les sols maigres de leurs garrigues odoriférantes. Cependant, dès les années 1890, tandis que la société vigneronne sort du cauchemar phylloxérique, les vignes nouvellement plantées se mettent à produire -de plus en plus-, et des préoccupations quotidiennement aggravées se font jour: il se murmure que l’effondrement des prix constaté sur le marché est provoqué par la concurrence déloyale – frauduleuse ?- de boissons vineuses, fortement sucrées pour le plus grand profit des betteraviers qui écoulent leurs stocks, et des intermédiaires qui délaissent les vins « naturels » au prix de revient trop élevé dans leurs comptes.
  Le murmure se fait accusation à haute voix dès 1893, alors que des lois interdisent le sucrage des vins de marc (1889), tendent de définir le vin (loi Griffe), dénoncent les vins de raisins secs et autres composantes non déclarées (1890). Cependant, la loi n’est efficace que si elle est appliquée; or, jusqu’à l’établissement d’un Service de Répression des fraudes doté de puissants moyens (1905-1907), le laxisme juridique et les surenchères spéculatives vont l’amble. De nouvelles lois ont beau interdire de mettre en marché vins survinés et mouillés (1894), les piquettes (1897), des breuvages en tous genres, bien que contrevenant aux lois en vigueur, inondent le pays de Bacchus depuis que les taxes sur le sucre ont été fortement diminuées en 1884.
  Pour faire court en cette introduction, je dirai simplement que Languedociens et Roussillonnais, sans doute parce qu’ils se font une haute idée de l’Etat (de la République?), demandent de plus en plus instamment, en 1907, d’appliquer des lois existantes, et de voter des lois aptes à limiter (interdire?) le sucrage des vins par la hausse des taxes sur le sucre. Les lois de 1900 et 1903, réglementant les pratiques sucrières, sont jugées insuffisantes. Les appels au secours se font de plus en plus puissants, et pressantes deviennent les injonctions faites aux députés de légiférer pour rétablir d’équitables pratiques viticoles et commerciales.
  Parce que les populations méridionales ont de l’Etat l’idée qu’il est en charge du bien commun, qu’il lui appartient de veiller à la sauvegarde des intérêts de chacune des parties, leur mouvement ne saurait être interprété comme une révolte ; avant que les tensions ne s’exacerbent, des pancartes demandaient « République, sois bonne mère ». Après avoir pleuré leurs morts à Narbonne, dialogué avec les mutins à Béziers, défait dans d’innombrables communes leurs ceintures d’élus avant d’envoyer des lettres de démission au président Clemenceau… et fait trembler le Régime, les Méridionaux obtiennent satisfaction: les lois du 29 juin et 15 juillet mettent le marché du sucre sous surveillance, réglementent et taxent le sucrage de la vendange, établissent le contrôle de la production à la propriété, interdisent le mouillage; le règlement du 3 septembre actualise la loi Griffe (1889) et celle de 1905 pour donner une définition du vin appelée à persister longuement dans le plus grand respect des producteurs et des consommateurs : le vin résulte de la fermentation alcoolique du jus de raisin frais; aucun autre produit ne peut être vendu sous ce nom s’il est « fabriqué » autrement.
  La défense du vin naturel constitue la grande victoire de 1907 ; les vignerons du Midi, et ceux qui les ont rejoints, ont obtenu de l’Etat ce qu’ils en attendaient. Ils n’arrêtent pas là leurs efforts, car ils savent qu’il faut aussi compter sur soi-même pour augmenter ses chances de prospérité économique et sociale. Sans tarder, dès le 22 septembre ils se réunissent en une Confédération Générale des Vignerons bien décidée à exercer le pouvoir que la loi du 29 juin reconnaît aux syndicats : se porter partie civile dans la lutte contre les fraudes. Ainsi au rôle de l’Etat s’adjoint le rôle des organisations syndicales pour garantir la bonne marche de la viticulture du Var aux Pyrénées-Orientales.

   
D’autres intervenants mettront l’accent sur différentes lois (celles de 1919 et 1935 sur les appellations d’origine), relateront divers combats tel celui de bouilleurs de cru ou celui des producteurs de vins de consommation courante enclins à obtenir un prix de base rémunérateur… Car après avoir défendu la qualité des produits mis en marché, il fallait assurer le maintien de prix rémunérateurs sur le marché afin de ne pas acculer à la faillite des dizaines de milliers de familles vigneronnes. La célèbre trilogie « distillation-échelonnement des ventes- financement » portée par le Statut de la Viticulture a veillé, tant que faire s’est pu, à la régulation d’un marché national devenu pléthorique compte tenu de la production algérienne, et eu égard au niveau de consommation française. C’est-à-dire jusqu’à la mise en place du marché européen; les intérêts de la Métropole s’éloignaient depuis quelques années déjà de ceux de l’Algérie devenue indépendante.
  Autant de faits aptes à mesurer combien l’Organisation Commune des Marchés d’abord, et l’Organisation Mondiale du Marché ensuite ont fait rapidement tourner les pages de l’histoire, puisqu’il n’est plus de mise de légiférer pour protéger les marchés ou défendre les prix : la démocratie ne serait-elle qu’affaire de citoyens sans considération d’activité professionnelle? Les vignerons français savent bien qu’il leur faut conquérir de nouveaux marchés, développer de fortes valeurs ajoutées pour que leurs produits leur permettent de se maintenir sur leurs propriétés; les pouvoirs publics se déclarent prêts à les aider à s’imposer sur le nouveau marché ouvert aux concurrences les plus déstabilisantes. Le temps presse ; plus que jamais pépite convoitée, le vin n’est-il pas en passe d’effacer ses lettres de culture entrelacées de deux mille ans d’histoire pour des paris de fortune dignes des casinos les plus aventureux?
  Les vignerons français vont-ils renoncer à la législation qu’ils avaient eux-mêmes demandée? A la défense de leur vin naturel conjugué a de prestigieuses appellations d’origine contrôlée? Au maintien de leurs activités riches de siècles, de millénaires de pratiques et de perfectionnements? Leur manque de faire-savoir fera-t-il disparaître leur savoir-faire –qu’ils ont par ailleurs généreusement communiqué au monde entier !- Le vin sera-t-il remplacé sur la table par le coca-cola au prétexte de pourchasser l’addiction à l’alcool? La lutte antialcoolique, récurrente sous les Quatrième et Cinquième républiques, semble bien pourtant pénaliser davantage la consommation de vin que celle des alcools réputés « forts ». L’éducation à la consommation pour un produit dont les médecins continuent, longtemps après Pasteur, à vanter les mérites offerts par une dégustation modérée ne pourrait-elle pas être accompagnée par les services éducatifs de la République? Certes, les Etats-nations ont transféré une partie de leurs prérogatives à des pouvoirs supranationaux; s’il est désormais du ressort des instances européennes (Union Européenne) et mondiales (O.M.C.) de prendre des mesures efficaces, il n’est pas dans leurs programmes respectifs de sauvegarder les économies locales.
  Au terme des deux journées de réflexion prévues pour affiner les rapports entre la République et le vin, les politistes nous diront peut-être pourquoi la démocratie d’aujourd’hui ne semble pas avoir la responsabilité de maintenir l’économie au service des populations laborieuses sur les terres où elles s’enracinèrent de génération en génération. Les maîtres mots d’une actualité fébrile, déclinés en « mobilité des populations », et « flexibilité du travail » ne sauraient convenir à la culture pérenne qu’est la vigne, ni à la civilisation méditerranéenne dont l’un des piliers millénaires est le vin.

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sommaire

Avant-propos
Introduction

Première partie : Echos et manifestation de la révolte viticole

Shakila Zamboulingame (Paris I) : « Mes compatriotes que l’on fusille… » Trois députés méridionaux à la tribune face à la révolte des vignerons de 1907 : Etude linguistique d’une « scène discursive » parlementaire
David Mouraret (Montpellier I) : 1907 : L’union sacrée entre « rouges » et « blancs » vue par la presse de droite
Jean Vigreux (Université de Franche-Comté) : La mémoire de 1907 dans la culture communiste ou les usages politiques du passé 
Marguerite Figeac (IUFM d’Aquitaine-CEMMC) : Les propriétaires viticoles du bordelais en révolte : 1907, aboutissement ou point de départ d’une tradition contestataire ?
Corinne Marache (Bordeaux III) : La crise viticole médocaine de 1907. Entre fantasmes et réalités : instrumentalisation politique et gestion d’un « non-événement »
Edouard Lynch (Lyon II) : Les Bouilleurs en République : pratiques manifestantes et mobilisations anti-étatiques
Alexandre Niess (Orléans) : Champagne rouge, Champagne Sang. De l’épineuse question de la définition du vigneron champenois (1908-1914)
Philippe Lacombrade (Montpellier III) : Les chambres de commerce du Languedoc méditerranéen et la question viticole sous la Troisième République

Deuxième Partie : Les questions viticoles au Parlement et dans la vie politique locale et régionale

Jean Sagnes (Perpignan) : Edouard Barthe, « Député du vin » (1882-1949)
Philippe Secondy (Montpellier I) : Pierre Leroy-Beaulieu, un « Yankee » dans le Midi
Sylvie Guillaume (Bordeaux III) : Georges Cazaux-Cazalet ( 1861-1911) : un viticulteur parlementaire de la Gironde
Olivier Jacquet et Christophe Lucand (Université de Bourgogne) : Etienne Camuzet : un parlementaire bourguignon au cœur des stratégies politiques viti-vinicoles nationales et locales du début du XXe siècle
Olivier Serra (Bordeaux IV) : 
Déclaration de récolte et taxation de la chaptalisation : genèse des articles 1 et 5 de la loi du 29 juin 1907
Jean-Marc Bagnol (Montpellier III) : Une plaque tournante de l'activité viticole au temps du Statut de la viticulture : la commission des boissons de la Chambre des députés (1919-1939)
Pierrre Barral (Montpellier III) : Le statut du vin
 

Troisième partie : Vin, République et construction des identités territoriales 

Jean-Pierre Donnadieu (Montpellier III): Itinéraires entre vin et République ( 1860-1940) : trois vignerons nissanais
Frédéric Bort (Montpellier I) : Un usage conservateur de la coopération viticole : genèse de la cave coopérative de Saint-Christol
Cyril Gispert (Montpellier I) : La guerre des rouges.
Pierre Guillaume (Bordeaux III) : Les girondins et la crise viti-vinicole des premières années du XXème siècle
Serge Wolikow (université de Bourgogne) : Soulèvement du monde vigneron et construction de la Champagne viticole
Fabien Nicolas et Cécile Germain-Gerraud (Montpellier I) : Les « piliers » du Midi rouge, les fondations d’une domination politique territoriale

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recensions et comptes-rendus de lecture
   
"Du (gros) rouge dans le bleu", par Vincent Chambarlhac
article paru dans L’OURS, mensuel socialiste de critique littéraire culturelle artistique, n°398, mai 2010, p. 6.

Ce livre publie les actes du colloque Vin et République, organisé à Montpellier en 2007, par Philippe Lacombrade et Fabien Nicolas. La révolte des vignerons en 1907 en Languedoc, l’impact de celle-ci en juin 1907 qui provoqua un « orage parlementaire », sont au cœur d’une problématique qui scellerait les noces d’une histoire viti-vinicole en plein essor avec l’histoire politique et parlementaire.

Pour se saisir de ce qui fut, en Languedoc, une « révolte des dimanches » contre la fraude, le jeu d’échelle s’imposait. La première partie du colloque s’attache ainsi aux « échos et manifestations des révoltes vinicoles ». Le Languedoc évidemment, mais aussi le Bordelais, la Champagne sont au cœur des interrogations. Au fil des épisodes scrutés, local et national. Il s’agit là d’éclairer une politisation du monde viticole sous la IIIe République. Le processus suggère l’enjeu qu’il représente par ses acteurs ; un enjeu dont le Parlement se fait la chambre d’écho – ainsi des bouilleurs de cru étudiés par Édouard Lynch, aux revendications ponctuelles finalement domptées par une Ve République muselant le Parlement. Shakila Zamboulingame évoque elle une « scène discursive parlementaire » pour se saisir de l’écho de 1907 à la Chambre. Cette politisation passe également, en ces temps d’acculturation républicaine par le bulletin de vote en Champagne (Alexandre Niess), comme par la médiation des Chambres de commerce bien étudiées en Languedoc par Philippe Lacombrade. Cette politisation par l’événement, Jean Vigreux la revisite au titre de la mémoire communiste, d’une mise en image par le film de la Révolte de 1907, « révolte de gueux », propice en 1947 à une commémoration toute pédagogique par le PCF.

Le vin à la Chambre
Fort logiquement, cette mise en bouche introduit une seconde partie plutôt centrée sur le traitement des questions viticoles par le politique, soit au Parlement, dans la vie locale. Domine ici l’appréhension, au titre d’une histoire du vin, de la politique parlementaire. Elle se conclut fort logiquement par l’évocation du statut du vin par Pierre Baral, qui rappelle qu’en la matière il ne faut pas prêter qu’aux riches : ce statut n’est pas le fait du Front populaire, mais le résultat d’une autre configuration politique, liée à Édouard Barthe. Étudié par Jean Sagnes, celui-ci introduit la figure du « député du vin » que l’on retrouve chez Étienne Camuzet (Olivier Jacquet, Christophe Lucand), Georges Cazeaux-Cazalet (Sylvie Guillaume). En l’espèce, pointe pour le lecteur un regret : l’absence d’un retour en bouche plus conséquent sur cette figure. Une typologie, une étude plus large, donneraient plus d’épaisseur à ces trajectoires singulières où l’on discerne des réseaux, un jeu essentiel du local au national. Faut-il là inverser la problématique vin/politique au profit d’une relation plus dialectique qui, assise sur ces communications qui mettent en relief le « basculement d’un ordre marchand libéral entièrement soumis au négociant […] à l’avènement d’un temps dominé par l’usage de l’origine du sol » (Jaquet) s’intéresserait également à la mécanique partidaire et électorale qui fonde la longévité de ces députés, représentants certes du vin, mais aussi d’une couleur – parfois d’assemblages – politique.
La dernière partie souligne à nouveau ce tropisme viticole, s’attachant à circonscrire les relations entre « Vin, République et construction des identités territoriales ». Elle est l’occasion d’une revisite des problématiques précédentes au titre de l’espace – ainsi de l’intervention de Serge Wolikow sur le monde champenois.

Les effets du vin
Tel quel, par la diversité de ces communications, l’ouvrage invite l’historien du politique à prendre au sérieux le vin, les terroirs, considérant que ceux-ci participent d’une histoire complexe, combinant plusieurs échelles. C’est en soi déconstruire l’illusion d’un terroir pérenne, immémorial, aux qualités seulement géologiques, et reconnaître que le vin est affaire d’hommes. De politique donc. On retiendra alors que le conflit semble une dimension structurante du monde du vin : il est à la fois clivage (négociants/vignerons), apostrophe jetée au Parlement, producteur d’identités territorialisées, politiques, culturelles dans le temps court de l’événement comme sur la longue durée. Objectif initial du colloque, la Révolte de 1907 l’illustre tant elle formerait un mythe mobilisateur pour le XXe siècle. Regrettons alors que les propositions de Geneviève Gavignaud-Fontaine – introduisant l’ouvrage par l’évocation de l’appel au secours des vignerons languedociens en 1907 à l’État, la République, face aux fraudes – n’aient pas donné lieu à une interprétation au titre de l’histoire moderne de la Révolte de 1907. L’unanimisme du mouvement – confinant parfois à l’apolitisme –, l’appel à l’État, la dimension fiscale du mouvement associée à l’épithète de « gueux » indiquent là sans doute la résurgence de répertoires d’actions d’Ancien régime, repérés par Charles Tilly, Jean Nicolas. Dans ce temps long des révoltes, 1907 apparait alors comme un moment d’autant plus charnière qu’il est politiquement contingent de l’acculturation républicaine des campagnes.

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dernière mise à jour le 02 mai 2012