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“Front populaire, chocs et contre-chocs (1934-1940)”

colloque organisé à Paris
du lundi 4 au mercredi 6 décembre 2006

     

Depuis mai 1981, l’exercice du pouvoir par la gauche dans la durée, les cohabitations, les alternances répétées, ont déplacé les lignes de fracture politique de la société française déjà mises à mal en 1958 par l’apparition du gaullisme. À droite, le paysage politique s’est simplifié, avec un parti dominant affirmé et l’intégration qui semble durable des centres. À gauche, le succès de la « stratégie d’Épinay » (inversion du rapport de force socialistes-communistes au profit des premiers) et l’effondrement du monde communiste ont fermé une longue parenthèse, celle de la domination communiste commencée en 1936 et affirmée depuis la Libération. Elles placent le Parti socialiste comme la seule force « d’alternative » à la droite lors des scrutins, dans un paysage social fragmenté, où les utopies collectives servent largement de repoussoir. Pourquoi dès lors revenir sur le temps du Front populaire ?
    Le Front populaire constitue un moment exceptionnel dans l’histoire contemporaine française, en termes de mobilisation politique ou de confrontation sociale et symbolique. Temps de radicalisation et de bipolarisation accélérée, prolongé par les déchirements de la Deuxième Guerre mondiale, il est aussi longtemps resté un objet d’histoire controversé. Cependant, sa place particulière semble s’être estompée progressivement.
        Ce colloque se veut une réflexion sur le Front populaire dans sa dimension politique et sociale, mais aussi un regard sur l’historiographie de celui-ci. Entre le milieu des années soixante, avec les grands colloques organisés par la Fondation nationale des sciences politiques et celui des années quatre-vingt, ce temps du Front populaire a fait l’objet de lectures historiographiques dynamiques, des colloques consacrés à Léon Blum chef de gouvernement à ceux qui ont été suscités par le cinquantième anniversaire de 1936. Depuis, il n’y a pas eu de grandes publications ou rencontres sur ce sujet, mise à part la parution de livres de synthèse (Danielle Tartakowsky, Serge Wolikow, etc.), et de diverses productions dans des collections grand public. Par ailleurs, une mémoire partisane a longtemps été dynamique, à gauche principalement. Mais, après l’échec électoral de la gauche en 1986 et l’effondrement du bloc communiste, le regard partisan et historique a probablement changé. En 1996, le soixantième anniversaire de l’événement a été pratiquement occulté. À l’orée de 2006, aucune initiative commémorative majeure n’est annoncée. Chaque partie sera l’objet d’un cahier des charges demandant aux intervenants de préciser les enjeux de sources et de mémoire, en conclusion notamment.
        Pourtant, de nombreux éléments existent pour essayer de renouveler ou en tout cas d’interroger cette histoire d’un événement majeur dans l’histoire politique du XXe siècle. Divers éléments concourent à revisiter la période du Front populaire aux plans politique, social et culturel.
        Tout d’abord, on sait que l’apport des archives nouvelles n’a pas été ce que l’on a parfois affirmé. Mais néanmoins, des archives ont été exhumées ou sont désormais accessibles, notamment avec le retour d’archives françaises d’URSS et avec les fonds soviétiques découverts à Moscou. Visibles depuis le début des années quatre-vingt-dix à Moscou pour les fonds soviétiques, ou entrouvertes depuis le transfert en France des archives de la Sûreté nationale et de divers autres fonds (par exemple, archives de la CGT ou de la Ligue des droits de l’homme), ces montagnes de documents ont fait l’objet de fantasmes et de controverses qui se sont progressivement éteints. Peut-on, à la lumière des travaux soutenus ou en cours, tirer un bilan de leurs apports à la recherche ? Cette question devra être abordée par les différents communicants.

        Ensuite, l’étude croisée des formations de gauche et de droite est aujourd’hui possible. En effet, des travaux importants ont été soutenus sur le communisme français, les partis de droite, les ligues de droite et de gauche, le PSF, les Chemises vertes ou les grandes organisations de la gauche démocratique.  Faire un point sur ceux-ci et les confronter paraît sinon une obligation, tout au moins une opportunité. Pour la gauche, mieux connue dans sa diversité, l’approche privilégie les rapports internes et l’étude à la base dans les régions et dans les organisations unitaires.

        D’autre part, les problématiques ne se sont-elles pas déplacées avec ce qu’il a été convenu d’appeler la faillite des grandes idéologies ? Plus globalement, la coupure droite-gauche, qui ne peut être niée effectivement pour cette période, est-elle pertinente d’un point de vue méthodologique alors que ces années voient s’affirmer les conventions collectives, le rôle de hauts-comités, le renforcement de l’État ? Les rapports entre les dynamiques sociales et politiques feront l’objet d’attentions spécifiques.
        Enfin, un article pionnier de Philippe Burin sur les symboles politiques avait déjà montré au début des années quatre-vingt que ceux-ci se répondaient, s’inscrivaient dans un univers global. Les implications culturelles ne peuvent être négligées. Une des ambitions de ce colloque sera de rassembler des écoles de recherches dynamiques mais trop souvent isolées. Pour cela, des communications seront à deux voix ou se répondront.
        Il aura pour ambition de dépasser le cadre parisien qui a trop souvent servi de référence principale, voire unique, en suscitant une série d’interventions sur la réalité du phénomène dans différentes régions ou départements de France. 
        Il nous a fallu faire des choix pour tenir ces réflexions sur trois journées. Outre les jeux et enjeux de mémoire qui ont été évacués de ce colloque, méritant à eux seuls au moins une journée d’étude, ont ainsi été écartés, à regret, les aspects internationaux, avec notamment la question du choc de la guerre d’Espagne, les questions de genre et celle de la place de la jeunesse.

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   Lundi 4 décembre 2006
ENS, salle Dussane, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris
9h Allocution de Pierre Mauroy, président de la Fondation Jean Jaurès

L’historiographie du Front populaire

sous la présidence de José Gotovitch

- Les Fronts populaires dans le champ des gauches européennes : Albo Agosti
- Les communistes et les Fronts populaires, choix national ou stratégie internationale ? Serge Wolikow
- Les grèves du Front populaire : des interprétations divergentes et incertaines : Stéphane Sirot
- Historiographie des adversaires du Front populaire de 1936 à 1939 : Gilles Richard

14h

Les mutations du système partisan

sous la présidence de Jean-Marie Mayeur

- Les débats parlementaires du Front populaire : Jean Garrigues
- Le renouvellement du personnel socialiste : Gilles Morin
- La nouvelle génération de parlementaires à droite (Valentin, Pinay, Montalembert, etc.) : Gilles Le Béguec
- Sauver une France libérale : le centrisme peu orthodoxe de Pierre-Etienne Flandin : Arnaud Chomette
- Le PSF, élément majeur de refonte du système de contrôle politique des droites : Jean-Paul Thomas 

- Front populaire et radicalités gauchistes : Vincent Chambarlhac et Thierry Hohl

 
 

mardi 5 décembre

Archives nationales, hôtel de Rohan, 87 rue Vieille du Temple 75004 Paris
9h

Dynamiques sociales

sous la présidence de Denis Grisel

- Le syndicalisme précurseur de l’unité, politisation et recomposition interne : Morgan Poggioli

- Les unitaires, le Front populaire et l'unité syndicale : mutations sociales, actions collectives et pragmatisme paysan : Sylvain Boulouque
- Coopération et mutualité au temps du Front populaire : Michel Dreyfus
- La question des classes moyennes indépendantes sous le Front populaire : Sylvie Guillaume
- Le syndicalisme paysan : David Bensoussan
- Les conventions collectives, fondatrices de nouveaux rapports sociaux et politiques ? Laure Machu

   
14h

Politisation populaire et évolution des élites

sous la présidence d'Olivier Wieviorka   

- Les campagnes, foyers d’une nouvelle violence et d’une politisation ? Édouard Lynch
- La Ligue de l'enseignement et la Ligue des Droits de l'Homme au temps du Front populaire : Nathalie Sévilla et Emmanuel Naquet
- La réorganisation du patronat : Olivier Dard
- Les instances consultatives de la politique économique et sociale, Conseil national économique, conseils supérieures et comités : Alain Chatriot
- La pratique de la réforme de l’État du 6 février à Daladier : Nicolas Roussellier

18h30 table-ronde : les apports des archives de Moscou
avec Claude Pennetier, Sophie Cœuré, Christine Pétillat, Jean Vigreux

mercredi 6 décembre

Archives nationales, hôtel de Rohan, 87 rue Vieille du Temple 75004 Paris
9h

Front populaire et Front de la liberté : Tour de France

sous la présidence d'Annie Fourcaut

- Les Comités du Front populaire dans le nord de la France : François Lafon
- Marseille, la droite en réaction du Front populaire : Robert Mencherini
- L’Aquitaine foyer de résistance radicale et de l’USR : Bernard Lachaise
- L’Auvergne, entre Varenne et Laval : Mathias Bernard
- L’Est, un bastion conservateur : François Roth

14h

Le choc de cultures ?

sous la présidence de Serge Berstein

- Le modèle républicain et le marxisme : Serge Berstein
- L’antifascisme, culture politique transversale aux gauches : Gilles Vergnon
- Histoire et géographie symboliques : les deux cortèges de février 1936 : Pascal Ory
- Le pacifisme, facteur dissolvant des forces politiques et sociales : Noëlline Castagnez
- Les masses et les héros français au miroir européen : Fabrice d’Alméida
- Les affiches du Front populaire : la guerre des images : Frédéric Cépède 

Conclusions : Antoine Prost
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