L’objet de ce séminaire est d’étudier la thématique de la mise en scène du politique sous un angle historique, c'est-à-dire dans une perspective évolutive soulignant le passage d’une mise en scène ritualisée, imprégnée par l’influence du religieux, aux mises en scène fondées sur le récit, telle qu’elle s’adapte à la société de l’image et à la démocratie d’opinion.

On mettra en lumière les trois temps de la mise en scène : celui du rituel, associé schématiquement aux systèmes monarchiques (naissance, mariage, sacre, entrée en ville, funérailles…) et prolongé au XIXe siècle dans le champ démocratique ; celui de la propagande, qui se développe au moment des régimes totalitaires du XXe siècle ; enfin celui du récit, associé à la société du spectacle et de la communication de masse. 

Cette perspective chronologique, qui fait la spécificité de la démarche historienne, n’est évidemment pas restrictive. Au contraire, l’un des intérêts majeurs de cette démarche sera de mettre en valeur les articulations et les imbrications entre ces trois temps historiques, c'est-à-dire le rôle du récit dans les systèmes rituels ou propagandistes, l’organisation d’une propagande ritualisée, ou encore la permanence du rituel dans les systèmes de récit du temps présent.

Par ailleurs, notre perspective se voudrait comparatiste, non seulement dans la perspective européenne, qui permet de mettre en valeur des invariants liés à une histoire commune, mais aussi en explorant les systèmes extra-européens, qui répondent à des déterminants culturels très différents et donc à des chronologies atypiques. La préservation des systèmes ritualisés dans le monde islamiste contemporain ou le rôle de la propagande dans le monde asiatique sont par exemple des objets d’analyse qui permettent d’échapper aux lieux communs d’une perspective occidentale ou européo-centrée.

Notre réflexion entend dépasser le champ convenu de LA politique pour s’étendre à celui DU politique, c'est-à-dire de l’espace public confronté aux rapports entre les pouvoirs institutionnels, les contre-pouvoirs économiques, sociaux, culturels ou religieux, et celui des masses, passives ou agissantes. Cette précision est fondamentale en ce qui concerne la réflexion sur l’histoire récente, où émergent dans le champ du politique des groupes nouveaux et organisés susceptibles de mettre en scène des discours spécifiques, des formes de récit nouvelles. On pourra prendre l’exemple du récit syndical, qui reflète la transformation des organisations de défense professionnelle en groupes de pression-communication, du récit environnemental, produit par les partenaires divers de la nébuleuse écologique, au récit identitaire, qui investit le champ du politique par des voies multiples. Ce sera donc une approche à la fois chronologique et transversale, s’intéressant aussi bien aux agents qu’aux méthodes et aux objectifs de la mise en scène dans l’espace public.